MINOTAURE
WIP
par Jérôme Piroué.
Copyright 2025 et suivants.
"Break the code, solve the Crime."
Agent Cooper in "Twin Peaks" Saison 1, Episode 4. (1990)
((Les derniers textes affichés ou modifiés sont en gras))
GISELE
SANS TITRE 1
LA PATISSIERE
LUCETTE (12.06.2025)
SANS TITRE 2 (11.06.2025)
BERTHE (11.06.2025)
UNE CHUTE TRES SECHE (13.06.2025)
LE CALVAIRE DE DANTE 1 : GERALD DAMIEN ET MISSY JONES
PERSISTANCE
LE CALVAIRE DE DANTE : MUR
ON NE ME PAIE PAS AU MOT. (13.06.2025)
GISELE.
J’en ai vu des choses pas belles. J’avais un chien que ma voisine promenait souvent, une voisine depuis plus de 20 ans. Hé bien un jour, plus de chien ! Fini. Pourtant, je lui avais dit : « Tu prends le bus 5 en direction de Choulex, là tu marches cinq minutes en direction de Vandoeuvres. Y a un champ au bout du chemin de la Grenette, tu fais entrer le chien, tu le laisses gambader quinze minutes, tu le récupères et tu reviens. Vous croyez qu’elle m’aurait écoutée ? Mais rien du tout. Elle est allée à Troinex, elle a lâché Mirette n’importe où, Mirette est pas revenue, et la voisine elle est rentrée sans Mirette. Non mais je vous jure. Y a des gens qu’ont rien dans le crâne. Trois jours après, elle part en vacances avec son mari, et je l’ai jamais revue. J’étais effondrée. Et je peux vous dire, je l’ai cherchée, Mirette. Je suis allée à la Police, j’ai fait du porte-à-porte. Des gens m’ont dit qu’elle avait été récupérée par des chasseurs. Ils la gardaient dans une cage horrible, une crasse pas possible. Ils lui avaient coupé la queue et les oreilles, à la hache à ce qu’on m’a dit. Ils la nourrissaient plus, elle était maigre, mais maigre ! J’en faisais des cauchemars, je ne dormais plus, je pleurais tout le temps. Plus tard, on m’a dit qu’une autiste l’avait récupérée. Une autiste. Non, mais c’est malheureux. Maintenant j’ai Caboche, mais c’est pas pareil. Elle ne remplace pas ma Mirette. Jusqu’à ma mort, je la pleurerai.Je ne m’en remettrai jamais.
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LA PATISSIERE
Le client : « Bonjour, c’est quoi, cette pâtisserie ? »
La pâtissière : « C’est un sucré/salé. En fait, c’est pas salé du tout, mais c’est
très bon. C’est une brioche sucrée, avec de la crème de Gruyère dessus, sucrée
aussi.
- De
bruyère ?
- Non, de Gruyère. De la crème, quoi. On dit « de Gruyère » parce que
ça fait plus… (elle frotte son index contre son pouce).
- Et c’est bon ?
- C’est excellent, j’en vends tout le temps.
- Alors je vous en prends un. Vous êtes ouverts le dimanche ?
- Ah non, nous on est pâtissiers, pas restaurateurs. De toute façon, tout est
fermé ici le dimanche.
- Pourtant, il y a une boulangerie, pas loin, qui…
- Où ça ?
- Sur Florissant.
- Ah mais non, c’est en Haut, ça, ce n’est pas le même quartier. Et puis eux, ils font restaurateurs. C'est une autre clientèle.
- Ah bon, c’est quoi, la différence ?
- ça bouge beaucoup, ça va, ça vient. Et puis ici, c’est des gens qui ont du …
(elle frotte son index contre son pouce).
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LUCETTE
Pendant la Guerre, les italiens nous ont amené de la polenta. On n’aimait pas ça. On les appelait
les macaronis. Ils étaient assez ridicules avec leurs bonnets à plumes. C’était
difficile de les prendre au sérieux.
Quand les américains nous ont libérés, ils ont amené du chocolat. On aurait dit
qu’il avait été mélangé avec de la sciure de bois. Il était affreux ! Mais
après cinq ans d’occupation et de privation, on le trouvait délicieux !
Vous comprenez, je n’avais jamais connu autre chose.
Avec ma sœur, on nous avait appris que s’il y avait une alerte, on devait
quitter tout de suite la maison et aller se réfugier sous un pont de pierre
qu’il y avait à deux pas.
Et un jour, une alerte ! Je me suis rué dehors, pendant que ma mère
ouvrait toutes les fenêtres. Parce que si une bombe explosait pas loin, avec le
souffle, toutes les vitres se brisaient.
Je me suis retrouvée toute seule, en pleine nuit, sous le pont. Ma sœur n’avait
pas suivi !
Je suis retournée la chercher. Elle était restée accrochée à la robe de ma mère
qui ne s’était aperçue de rien ! La bordée que j’ai prise !
A la Libération, des bals populaires ont surgi de partout. C’était
incroyable ! J’y suis allée avec mes parents. Ils ont dansé à n’en plus
finir.
Je ne les avais jamais vu danser.
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Charles Moulin, c’était le Tarzan français. Il était beau ! Une belle
gueule et une belle voix. Mais très mauvais acteur, très mauvais. Et sourd. Un
jour, sur un tournage, au début des années 70, il avait été placé au sommet
d’une colline, habillé en berger, avec un chien. Au moment du
« top », le metteur en scène lui hurle « Allez-y ». Il n’a
rien entendu. Ils ont réessayé plusieurs fois, rien à faire. Un assistant a eu
l’idée d’appeler le chien. Le chien est venu, Moulin a suivi.
Ça se tournait dans le Jura, près d’un couvent de Carmélites.
Le cadre était absolument magnifique. On recevait souvent la visite d’Edgar, un
type très laid, pas fini, qui était leur homme à tout faire. Il habitait une
petite maison crasseuse, presqu’une ruine. Les nonnes l’exploitaient, c’était
honteux. Elles résidaient dans ce couvent, bien tenu, propret, alors que lui, il vivait de façon misérable. Mais il les aimait d’un amour sans réserve. Quand
l’une d’elles mourrait, il la portait à bout de bras jusqu’au cimetière.
Il s ‘était donné à Dieu et aux nonnes.
Et l’équipe de télévision, elle arrivait avec toutes ses machines, les
acteurs, les techniciens, la cantine. Des moyens conséquents ! Vous croyez
qu’y en a un qui aurait levé le petit doigt pour Edgar ? Ils ne savaient
même pas qu’il existait.
Ils étaient là pour faire un film, le reste n’avait pas d’importance.
A la télévision, ils ne regardent pas.
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Charles Aznavour, qui a habité Château-Blanc, venait manger au restaurant de
Villette. La première fois, au moment de la note, il dit au serveur :
« Ah mais moi, je ne paie jamais. » Le serveur, gêné, lui
répond : « Ah bon ? Je ne suis pas au courant. Je vais voir
avec le patron. »
Ce dernier, averti, remet Aznavour à sa place : « Ici, tout le monde
paie. »
Eh bien, Aznavour est revenu y manger très souvent.
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Dans ma jeunesse, je me gargarisais à l’Eau de Javel. C’était radical contre
les maux de gorge. Je suis toujours là.
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UNE CHUTE TRES SECHE
Patatras, depuis le 5 Avril 1875, un funeste Lundi, plus de caractères
circulaires, alphabétiques et numériques.
Rien n’est pareil à partir de cet instant.
Dans le calendrier, le 8 et le 9 restent admis de justesse, mais pas les
dizaines, et seuls janvier à juillet, septembre et décembre, in extremis. A
terme, il est prévu que 1899 sera suivi de 1911, et 1819 de 1821 et ainsi de
suite. Quel chambardement ! Après 1999, c’est le mystère jusqu’en 2111. Un
bug cataclysmique !
Les Académies envisagent à l’avenir de dater en caractères latins.
Dans les lettres, le « q » est admis, mais reste indécent.
Plus d’alliances de mariage, signes de malchances et de ruptures futures.
Même une grimace circulaire des lèvres est mal vue.
Cependant,
l’astre du matin se lèvera ainsi que par le passé, et la lune pendant la nuit,
pas plus blafarde ni vive qu’avant. Sa Mer de la Tranquillité ne risque rien.
Sur Terre, c’est une affaire radicalement différente. L’humidité est
irrémédiablement affectée.
Disparues la mer des Sargasse, la Baltique, la Méditerranée, L’Egée ;
l’Atlantique même s’est asséchée. Le Pacifique : pareil. Quand a la pluie,
elle a simplement disparue.
Initialement, l’Humanité s’est mal habituée à ce renversement.
Dans le but de d’étancher les êtres vivants, Pasteur parvient à filtrer
les urines humaines et animales, il cuit la glace en vapeur qui est injectée en
terre dans cet état intermédiaire, sans passer par l’étape aquatique.
L’anglais Priestley, bien avant Perrier, capture des nuages et les enferment
dans des récipients en verre.
Le résultat est ensuite vendu à vil prix et désigné « Perles de Vie ».
La musique se déchiffre à présent à l’anglaise :
A-B-C-D-E-F et G.
Carmen d’Alexandre Bizet, est un immense succès. Jacques Eberst enchante le gratin
avec sa Vie Parisienne et amuse par sa Belle Hélène.
En littérature, le reprint de « Le Carmin et l’Anthracite » de Stendhal
est un bide.
David Bushnell met fin à
ses velléités submersibles.
Le pêcheur, en manque de liquidité, est ruiné. Il se satisfera de deux haches
et rien de plus, bûcheur éméché.
Mais curieusement, la plupart des cultures n’est pas très affectée par l’absence
de drache, sûrement grâce à quelque vapeur matinale.
Une fine épaisseur de particules humides parsème de même les prés et désaltère
quelque peu l’humain, l’animal et le végétal.
Chez les jardiniers les tubercules rebelles manquent et quelques fruits, ainsi
certaines baies à pépins. Mais pas le raisin, la mûre, la cerise et la pêche, clients
d’averses.
Les agrumes restent très appréciés, et pas uniquement la Marmande, le grapefruit, et la lime verte. Le kumquat, le cédrat, la bigarade tirent parti du changement, cependant que les Papedas restent immangeables.
Les vaches demeurent, mais plus leurs pendants masculins. Afin d’assurer la pérennité de cette viande sur les assiettes, l’espèce est mise en saillie avec le buffle qui, lui, a perdu sa femelle.
Le vaffle en tartare est parait-il une merveille.
Plus de parcs animaliers dans les villes et ailleurs : Jacques-Henri Bernardin et ses sbires refusent d’abreuver les tigres et leurs équivalents africains avec du whiskey et du rhum. Plus tard, la SPA refuserait de même.
En liberté relative, le cheval de rivière est privé de sa gave, et ses frères marins de leurs gyrus.
Un style inédit de visites de sites précédemment submergés est mis sur pied.
Le lac de Ness, Mackenzie l’affirme, n’a plus de secrets : un cadavre de lézard diapside y est révélé.
Les reliefs marins acquièrent un attrait imprévu.
« C’est renversant ! » s’exclame à sa dame le mari de Pélagie de Riquet de Caraman, Duc de Magenta dans l’Abîme des Mariannes, en villégiatures avec ce dernier et des amis.
Mais un vacarme retentit dans cet abysse caverneux : une masse liquide de plus de 328.112 pieds vient submerger les malheureux.
Et MacMahon, abasourdi, de s’égosiller : « Que d’eau ! Que d’eau ! »
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BERTHE
C’était l’horreur ! Je m’étais pourtant bien organisée. J’avais réservé un billet de 1ère dans le TGV Paris-Biarritz pour le 25 juillet. En 1ère, parce que, bon, la 2ème , on dira ce qu’on veut, mais en 2022, sur les longues distances, c’est juste pas possible. Arrivé à la hauteur de Bordeaux, le convoi ralentit jusqu’à s’arrêter complètement. Non mais, tu te rends compte, en pleine campagne. Et puis le temps était couvert, une brume épaisse, en plein mois de juillet. Hallucinant. Heureusement, la clim’ est restée allumée, mais pour combien de temps ? Alors, tu me connais, je m’inquiète pas facilement. Je me suis replongée dans mon Cosmo. Deux articles plus tard, on n’a toujours pas bougé. Certains passagers sont descendus sur les voies, les idiots. Ca se bouscule, ça tousse et ça pleure. Non mais, .je te jure. En fait, la brume, c’était pas de la brume. Quelque chose brûlait, quelque part. Et le train s’arrête pour ça. C’est bien la France. J’ai fini par descendre aussi, avec ma valise, mon sac à main. L’horreur, je te dis. Finalement, j’en ai eu marre, j’ai appelé un taxi. Mais la ligne était occupée. J’ai essayé un autre numéro, puis un autre, et un autre. Finalement, ça répond. Merci la 5G. Je lui indique que je suis sur la ligne du TGV à la hauteur de Cazaux. Il me dit qu'il comprend. Ca fait depuis deux jours qu'il est appelé pour des appels similaires. Et tous ces collègues pareils. Je poireaute quand même plus de vingt minutes, assise sur ma valise, avant qu'il se pointe, avec des crétins qui vont et viennent, qui s’engeulent dans toutes les langues, dans tous les couleurs, et les enfants qui braillent ! Mais tu me connais, je suis restée digne, je n’ai pas répondu aux provocations, Ou si peu. De toutes façons, je n’ai pas compris ce que le métèque me voulait. Le taxi arrive : « Biarritz ! » je lui fais. « Biarritz-Gare ?» il me répond. « Oui, go, go, go ! » Je lui balance quelques billets pour qu’il mette le turbo. Par miracle, ma voiture chez Europcar m’attendait, toute mimi et qui sentait le cuir neuf. J’ai pu rejoindre Anglet avec juste deux heures de retard. J’avais survécu.
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LE CALVAIRE DE DANTE 1 : GERALD DAMIEN ET MISSY JONES
J’ai perdu connaissance.
Je prends appui sur les mains, une onde de douleur remonte des genoux. Des
vêtements, pas les miens sont étalés sont autour.
« Et bien on est tombé ! » dit une voix de colosse avec une
inflexion moqueuse. Je lève les yeux mais des larmes voilent ma vision.
Je m’agrippe à une barre métallique. On dirait un présentoir disloqué.
Je tremble de partout.
Des grosses mains se posent sur mes épaules, puis sous mon coude :
« Tu arrives à te lever ? »
Je n’arrive pas.
« Je vais te coucher sur le dos. » A nouveau, ses mains m’agrippent
et me retournent avec souplesse, comme si j’étais un nouveau-né qu’on s’apprête
à tapoter sur le dos.
Suis-je un nouveau-né ?
Il ne me tapote pas.
« Ton nom, tu te souviens ? » Puis « Comment on
t’appelle ? »
« Dante. »
« Juste Dante ? »
« Je crois. »
« Juste Dante, alors. »
Il pourrait faire peur, avec sa corpulence qui occupe tout mon champ de vision,
sa barbe taillée en pointe sous le menton, sa veste en cuir et ses pattes de
satyre… Ah non, des pantalons et des bottes assorties à sa veste.
« Et vous », j’esquisse, « vous êtes qui ? »
Son visage s’éclaire d’un grand sourire, étincelant. Sa peau vire au doré.
« Gérald. Damien. Gérald Damien. » Il se retourne, et je découvre une
silhouette très élancée, fine, emballée dans un manteau style panthère.
« Et elle, c’est ma compagne, Missy Jones. »
Je lui fais un signe de la main.
« Miss… Jones ? »
« Missy Jones » elle me confirme d’un ton suave.
« Vous êtes très… suave. » Puis je me reprends. « Je vous
remercie, ça va aller. Je vais juste rester couché quelques minutes. Faut pas
vous en faire pour moi. » Damien fait non de la tête. « J’ai souvent
ce genre de malaises, j’ai une note du médecin. » Ma vision se brouille à
nouveau. « N’appelez surtout pas d’ambulance, il me faut juste quelques
minutes. » Je me répète. Je n’en mène pas large.
« Tu sais ce qu’on va faire ? » me dit le colosse. « Il y a
une espace bistrot vers la sortie du centre commercial. On t’y emmène, on boit
un café et si après ça, tu vas vraiment mieux, on te laisse. Ok ? »
Pourquoi il me tutoie, l’autre ? Mais c’est un bon plan. J’aurais pas fait
mieux.
De nouveau, le colosse, Gérald, m’empoigne comme un sac, mais avec grande
souplesse, et me dresse.
« Tu tiens debout ? » Il me lâche une seconde et mes genoux
aussi. « Pas de soucis, je te tiens. »
Je flotte alors littéralement à travers le magasin, avec ses panneaux et ses
présentoirs standardisés de vestons et de manteaux à perte de vue. A travers
les fenêtres, le ciel est invisible.
« On est où ? »
« Hades. »
« Hades ? »
« Le Centre Commercial. Hades. (Une pause.) Et voilà, on est
arrivé. »
Il me lâche dans un siège qui semble assez confortable, mais celui-ci glisse
sur le carrelage en crissant abominablement. Le hurlement du métal me déchire
le crâne. En plus, il est bancal.
« Alors, un café ? »
« Un thé si possible. Earl Grey s’ils ont. Avec une tranche de citron et
trois sucres. »
Pendant que Damien, ou Gérald (je ne sais plus) s’absente, mon attention peut
se reporter sur sa panthère…
« Miss… »
« Missy »
« Je suis désolé de vous causer tous ces soucis… »
Elle fait une moue que je traduis par « Pas de soucis. J’ai
l’habitude. »
Ah bon ?
Elle sourit. J’ai parlé à voix haute ?
« Vous êtes vraiment très… »
« Et Hop » Gérald est de retour avec les boissons. « Un thé
froid pour le Monsieur, une bière pour moi, et Missy… comme d’habitude. »
Bon, pour le Earl Grey, on repassera. Si je ne précise pas, une fois sur deux,
dans les bistrots, c’est un thé froid qu’on me sert, comme ici. En termes de
bière, celle de Damien est un bock d’un litre coloré à la grenadine.
Pour Missy, il n’a pas précisé, mais ça doit être un jus de tomates, servi dans
une flute.
Mon thé est immonde. Plus que chimique, avec comme un arrière de Javel.
« Vous
venez souvent ici ? »
« Si on y vient souvent ? » Gros rire tonitruant. « On y
habite quasiment ! Et toi alors ? On peut se tutoyer
hein ? »
« Bien sûr. «
« Et toi, c’est la première fois ? »
Je ne suis pas sûr.
« Je crois. Ou alors, je ne suis pas venu depuis
longtemps ! »
De nouveau ce rire tonitruant. Il met sert sous son bras, me tape la poitrine.
Qu’est-ce qu’il est tactile. D’habitude, je n’aime pas du tout, mais là, je
n’arrive pas lui refuser.
Je remarque l’enseigne du bistrot : « La Barque à Caron. »
« Alors, ça va mieux ? »
« Je crois » J’ai bu la moitié de mon thé sans m’en rendre compte. Je
baigne dans la Javel.
Il se lève et m’invite à faire pareil. De nouveau, je sens ses mains se balader
un peu partout.
Il me prend les deux poignets, me passe brièvement la main dans les cheveux, me
déstabilise d’une tape sur le bras droit, puis me prend le nez, comme on le
ferait à un enfant.
A ce moment, un type intervient :
« Tout va bien ? »
Damien Gérald lève les bras et enlace presque le nouveau :
« Caron, mon ami ! Je te présente Dante. Il a eu un petit
souci. » Puis à mon intention : « Je suis désolé, on doit filer.
Caron va prendre la relève.
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PERSISTANCE
Je me souviens encore, 36 ans après, de Karine se présentant chez
moi trempée de la tête au pied.
De toutes les filles que je côtoyais à l’école, c’est celle qui m’avait fait la
plus forte impression.
Elle irradiait d’une énergie particulière, dans son visage lumineux, son corps
sportif, et sa voix toujours enjouée et volontaire. De plus, elle semblait
singulièrement abordable, contrairement à d’autres, plus hautaines ou
réservées.
Un soir, dans ma chambre d’adolescent, j’étais perdu dans une rêverie
fantasmatique la concernant et l’orage grondait à l’extérieur. La pluie
s’est mise à tomber en rideaux contre la fenêtre, et j’ai alors
imaginé qu’elle s’était laissé surprendre par cette bourrasque devant chez
moi.
Elle avait sonné à ma porte et je l’avais découverte sur le seuil, ruisselant
de pluie, attendant que je la laisse rentrer et que je la prenne dans mes bras.
Chaque fois que le ciel gronde, j’y repense.
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LE
CALVAIRE DE DANTE : LE MUR
Il y a un mur tout gris, en béton.
Je tape trois coups.
Trois coups me répondent. Je réitère, accompagné d’un
« Y a quelqu’un ? »
L’écho me renvoie la réponse. Je réessaye, même résultat. Ce coup-ci, je ne
fais que taper trois coups et l’écho me répond avec aussi :
« Y a quelqu’un ? »
Enfin !
Je réponds : « Je suis enfermé de ce côté-ci. C’est comment de
l’autre côté ? »
L’autre, une voix très étouffée, distordue :
« Vous êtes qui ? »
« Je m’appelle Dante, et vous ? »
« Pourquoi ? »
« Juste pour savoir. Il y a une ouverture de votre côté ? Une
porte ? Une poignée ? »
« Pourquoi je vous dirais ? Je ne vous connais pas. »
« Je m’appelle Dante. » Elle me rappelle quelqu’un que j’ai bien
connu. Je tente : « Béatrice ? »
« Vous m’avez dit « Dante ». Décidez-vous. »
« Je m’appelle Dante. Vous vous appelez Béatrice ou pas ? »
« Je ne vous dirai pas. On ne se connait pas. »
« Mais si, tu es Béatrice. Tu…vous êtes ma sœur. »
« Votre sœur ? J’ai bien eu un frère… »
« Dante. »
« Peut-être. Mais il ne m’a jamais vouvoyée. Vous savez, je ne suis pas
complètement idiote. »
C’est bien elle.
Moi : « J’ai cherché une ouverture. Je n’ai rien trouvé. »
« Ben continuez à chercher. »
« Et de ton côté. » Une longue pause. « Est-ce qu’il y a une
ouverture ? »
« Et pourquoi ? »
« Comme ça je pourrais venir te rejoindre. »
« Je ne sais pas si j’ai envie. »
« On pourra chercher une sortie ensemble. »
« Je suis bien ici. »
Je renonce :
« Bon alors je te laisse. »
Un long silence, puis :
Elle : « Ne partez pas. » Un silence, puis « J’aime bien
vous parler. »
« Trouve quelqu’un d’autre. »
« Il n’y a personne d’autre. » Avec ce ton plaintif qui m’exaspère.
« Désolé, je m’en vais. » Je bluffe, je n’ai nulle part où aller. Je
peux juste m’éloigner un peu.
« Attendez, j’ai trouvé quelque chose ! »
« Tu as trouvé quoi ? » Un silence insoutenable, puis :
« Je ne suis pas sûr. On dirait… non, je me suis trompé. »
Long silence.
« Vous êtes toujours là ? « Une pause,
puis « Dante ? »
« tu te souviens de mon nom à présent ? »
« Ah ben oui, quand même. »
Long silence, puis je tente à nouveau :
« C’est comment de ton côté ? »
Pas de réponse. Je poursuis :
« Chez moi, c’est une grande pièce blanche, sauf ce mur-ci qui est gris.
Et chez toi ? »
« Ah. Pas chez moi. »
« C’est comment ? »
« C’est un joli appartement, dans le quartier des Eaux-Vives. Des grandes
pièces. C’est sous les toits. On a une vue imprenable… »
« Je ne disais pas « chez toi chez toi ». Ici. »
« Ici, c’est pas chez moi. »
« Et ? »
« Et quoi ? »
Je pourrais m’exaspérer encore plus, mais je suis anesthésié. Et je commence à
comprendre.
« Et c’est comment ? »
« Une grande pièce. Blanche. »
« Toute blanche ? »
« En fait, non, c’est plutôt… »
« Oui ? »
« Plutôt blanc cassé. » Evidemment. « C’est du beau
travail. On dirait de la dispersion. »
« Justement, on se disperse là. »
Long silence.
« Vous vous moquez de moi. Vous n’êtes pas sympa. »
« J’essaie de trouver un moyen de sortir de ce piège et tu finasses sur le
blanc des murs. »
« Désolé, on n’est pas tous pareils. On a chacun ses petits problèmes. Par
exemple, moi, j’ai eu une amie qui a dû écourter ses études. Elle est partie en
Chine retrouver sa mère qui vivait misérablement… »
« Et ? »
« Sa mère a insisté pour lui présenter tous les célibataires qu’elle
connaissait, mais Diane, elle s’appelait Diane, elle a rencontré un Péruvien,
et elle l’a épousé pour échapper à sa mère.
Ils ont fini par rentrer au Pérou, mais il n’arrivait pas à trouver du travail.
Il a cherché cherché, mais comme il ne trouvait rien, elle l’a quitté pour
rentrer en Suisse et reprendre ses études. Mais finalement, ça ne la motivait
pas non plus. Alors elle est partie en Afrique chez des Peules. »
« C’est qui, ces Peules ? »
« C’est une tribu d’Afrique. »
« Donc elle a vécu avec des Peules, dans des huttes ? »
« Pourquoi vous me parlez de huttes ? »
« Je ne sais pas, j’ai du mal à te suivre. »
« C’est pourtant simple, elle est d’abord partie en Chine, puis au Pérou,
puis elle est rentrée, et ensuite ça a été l’Afrique. »
« Et ? »
« Et quoi ? »
« Ben la suite… »
« Quelle suite ? »
« La suite de ton histoire. Ta copine.. »
« Ah, mais je ne connais pas tous les détails. »
« Oui, mais l’histoire ne peut pas s’arrêter là. »
« Et pourquoi pas ? »
Oui, pourquoi pas au fond.
« Et vous ? » demande Béatrice.
« Moi
quoi ? »
« Vous êtes marié ?»
« Je ne sais plus. »
Un silence, puis:
« C’est bien les hommes, ça.» lâche Béatrice.
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ON NE ME PAIE PAS AU MOT.
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11/06/2025
Note de l'auteur: je rappelle que ceci est un WIP, autrement dit une création en cours d'élaboration. D'autres chapitres (nombreux, j'espère) vont se rajouter dans les semaines et mois à venir. Par exemple, plusieurs chapîtres seront normalement rajoutés entre "LE CALVAIRE DE DANTE 1 : GERALD DAMIEN ET MISSY JONES" et "LE CALVAIRE DE DANTE : LE MUR".
N'hésitez pas à me signaler si avez trouvé des erreurs, lu des passages pas clairs, des fautes de styles ou juste trouvé PAS BON! A peluche.
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